samedi 31 janvier 2015

mardi 6 janvier 2015

Houellebecq : Poète fumeur, acteur de sa vie

« Michel arrive. Il termine sa cigarette. » Dans un cinéma parisien, le réalisateur Guillaume Nicloux attend l’écrivain, fumeur compulsif, son acteur de l’autofiction L’Enlèvement de Michel Houellebecq réalisé pour la chaîne Arte. Il l’avait déjà fait tourner dans L’Affaire Gordji, histoire d’une cohabitation, un petit rôle de patron des services secrets. Autour de la rumeur du rapt de l’écrivain par Al-Qaida, Nicloux a scénarisé une fiction qui est un documentaire sur la vérité de l’homme sous le masque du personnage de l’écrivain. Un portrait de Michel Thomas en abyme, dans son propre rôle ; un autoportrait au fond, sa vie mise en jeu quand avant le générique de fin, il file à 300 km/h au volant d’un bolide.
Dans ce miroir intimiste du cinéma vole en éclats son image : Michel Houellebecq se montre terriblement attachant, sans morgue, sans ironie, et plein de ce spleen baudelairien qui a poétisé le film désenchanté de Kervern et Delépine, Near Death Experience , avec lui en personnage unique, burlesque et dépressif. « On s’aperçoit que Michel est capable d’empathie, d’émotion, de drôlerie », dit Nicloux. Gentil Houellebecq ? « J’essaie de m’intéresser à ce qui intéresse les gens. C’est une de mes qualités, on peut dire ça », murmure l’écrivain.
Michel a fini par arriver, dans l’air tiède de l’été. Cheveux flous, visage émacié, sourire édenté, silhouette penchée, quelque chose d’Antonin Artaud. Houellebecq, avec son phrasé indolent, exile l’âpreté polémique chez les petits hargneux. C’est un combattant à la voix douce qui avance des positions aiguisées. Il a une manière curieuse d’être là et ailleurs en même temps, se tenant dans un singulier entre-deux calme, dans et hors du monde, très libre. Il allume son portable une fois par mois, son ordinateur un peu plus souvent, et encore. Il met de la distance et dans cette distance, qui pourrait bien être celle de l’écrivain, il voit le monde avec l’acuité d’un poète.